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Journal du Jour 15
26 mai 2016

La démocratie s'affirme

Les attentats du 13 novembre ont sensiblement modifié la manière dont les Français appréhendent le terrorisme islamiste. Plus qu'un réflexe traumatique, c'est une prise de conscience: l'idée longtemps mûrie, depuis les tueries de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher, depuis celles de Toulouse et de Montauban, que le quotidien, pendant les mois et peut-être les années à venir, ne pourra plus être tout à fait comme avant. Un sondage réalisé lundi tend à le confirmer de façon très précise, puisqu'une écrasante majorité des personnes interrogées se disent désormais très favorables à la participation de la France à la coalition contre le groupe État islamique en Syrie, et prêtes à accepter davantage de contrôles et certaines limitations des libertés pour mieux garantir leur sécurité. Si elle est contenue, si elle est absorbée par la démocratie, si elle est traduite par des actes propres à améliorer notre résilience collective et surtout à détruire l'ennemi qui veut nous détruire, cette réaction peut être le ressort du sursaut. Or, dans des tribunes, dans des éditoriaux, on voit poindre l'argument selon lequel, en perpétrant leurs attaques, les terroristes auraient précisément pour dessein de nous précipiter dans une logique de guerre; de nous attirer dans le piège supposé d'une intervention extérieure à la fois plus résolue et plus massive; de nous engager, sur le plan intérieur, à renoncer à nos libertés les plus essentielles. Si l'on se hasarde à suivre ce raisonnement, pour ne pas donner satisfaction au soi-disant État islamique, il conviendrait de prendre le contre-pied, en nous défaisant de toute tentation martiale. Il faudrait laisser se poursuivre le cours normal de nos institutions. Ne pas nous risquer à susciter, par nos opérations militaires, de nouveaux attentats en représailles. Ne rien faire, en somme. Attendre sans doute d'être touchés à nouveau. Puis compter nos morts, encore une fois. Certains tenants de cette opinion ergotent même sur le bon usage du terme de guerre, se livrant à un débat sémantique à mon sens assez irréel dans le contexte actuel. Comme si les individus qui font profession de nous frapper, sur ordre d'un groupe terroriste dont l'ambition démente est de placer le monde sous son joug, n'étaient pas des combattants, mais de "simples" criminels de droit commun. Comme si la guerre n'avait pas profondément muté, depuis la fin du XXe siècle, des conflits d'État à État vers les conflits asymétriques, du "fort au fou". À vrai dire, j'ai rarement entendu un argument aussi spécieux, ni une conclusion aussi délétère. Car le dessein du djihadisme international est beaucoup moins subtil que ne veulent le croire les quelques candides qui estiment que nos lois, nos méthodes, nos comportements, nos habitudes sont adaptés à la menace. Son projet est de nous détruire, purement et simplement, en profitant justement de l'espace de liberté offert par le fonctionnement normal de la démocratie. Dès lors, il ne craint certainement pas un statu quo qui lui est en tous points profitable. S'il redoute quelque chose, c'est plutôt que nos avions ne bombardent massivement ses bases, et qu'une coalition ne vienne le combattre sur ce qu'il croit être son territoire. C'est plutôt que, sur notre sol, les forces de sécurité ne mettent ses équipes hors d'état de nuire avant qu'elles n'aient pu frapper, en démultipliant les perquisitions et les arrestations menées dans le cadre juridique exceptionnel de l'état d'urgence. C'est plutôt que les prêcheurs radicaux ne puissent plus endoctriner les jeunes de nos quartiers, et que les sites internet qui colportent son idéologie mortifère ne soient systématiquement bloqués. S'il redoute quelque chose, en définitive, c'est précisément la réaction salutaire d'une société démocratique de soixante-cinq millions de personnes qui se doterait des moyens de lui résister puis de l'écraser, avec le concours des très nombreux États concernés. Il est possible d'ailleurs que cette réaction provoque de nouvelles initiatives de sa part. Mais alors elles seront un signe de fébrilité, et non pas l'affirmation d'une puissance vouée à disparaître, parce que combattue par l'humanité tout entière. En adoptant des mesures d'exception destinées à lui permettre d'affronter une situation exceptionnelle, la démocratie ne se renie pas: elle s'affirme; elle ne se met pas en péril: elle se protège. C'est en ne prenant pas les armes qu'elle se déshonorerait; c'est en ne se mettant pas en capacité de défendre ses valeurs, qu'elle préparerait sciemment sa propre défaite. La légitime défense n'est pas une forme de bellicisme, mais l'exercice d'un des tout premiers droits de l'homme. C'est la pusillanimité, au contraire, qui mettrait en danger notre modèle de société, en lui faisant baisser la garde face à l'extrémisme, et en pavant du même coup la voie des démagogues. Devant le Parlement réuni en Congrès, le chef de l'État a présenté un certain nombre de mesures qui marquent une nette inflexion de sa politique étrangère et de sécurité intérieure. Suivre scrupuleusement leur mise en œuvre est une nécessité, et l'on peut faire confiance à l'opposition parlementaire, qui avait depuis des mois formulé plusieurs de ces propositions sans être entendue, pour ne pas donner de blanc-seing à un président resté jusque tout récemment dangereusement attentiste; les battre en brèche par principe, en revanche, et pour de faux prétextes, serait une grave erreur.

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